Par un arrêt du 20 janvier 2022 publié au Bulletin, la Cour de cassation (Cass. 2ème Civ. 20 janvier 2022, n° 20-13.245 (n° 104 FS-B)) donne une définition de la faute dolosive au sens de l’article L.113-1 alinéa 2 du code des assurances tout en consacrant son autonomie par rapport à la faute intentionnelle de l’assuré.
Selon cet article, « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré » et pour cause, une telle faute ferait perdre le caractère aléatoire, socle du contrat d’assurance.
La Cour de cassation précise que « La faute dolosive s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ».
En 2013, la Cour de cassation avait estimé que « la cour d’appel a pu déduire que l’assureur ne caractérisait ni une faute intentionnelle ni une faute dolosive au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances » sans pour autant permettre de réellement distinguer la faute intentionnelle de la faute dolosive et sans définir cette dernière (Cass. 2ème Civ., 28 février 2013, n°12-12.813 : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 février 2013, 12-12.813, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)).
L’autonomie de chacune de ces deux fautes a ensuite été consacrée sans toutefois définir précisément ce qu’il convenait d’entendre par « faute dolosive ».
Quelques années après, l’autonomie de la faute dolosive a de nouvezu été mise en cause : certains arrêts écartent la faute dolosive en relevant que l’assuré n’a pas eu la volonté de causer le dommage tel qu’il est survenu, ce qui revient à caractériser une faute intentionnelle (Cass. 3ème Civ, 1er juillet 2015, n°14-19.826 et 14-50.038 : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 1 juillet 2015, 14-19.826 14-50.038, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)) ; d’autres l’admettent (Cass. 1ère Civ., 16 novembre 2016, n° 15-20.074 : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 novembre 2016, 15-20.074, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr))).
En 2020, la Cour de cassation a souligné que « la faute intentionnelle et la faute dolosive, au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l’exclusion de garantie dès lors qu’elle fait perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire » (Cass. 2ème Civ., 20 mai 2020, n°19-11.538, arrêt de principe : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 19-11.538, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)).
Si la faute intentionnelle suppose encore et toujours la volonté de provoquer le dommage tel qu’il est effectivement survenu, la faute dolosive semble s’en démarquer d’une part, bien entendu, par l’absence de cette volonté, et d’autre part, par la connaissance que l’assuré avait du caractère inévitable des dommages que son geste allait causer.
En 2021, la Troisième Chambre civile ne semblait pas admettre l’autonomie de la faute dolosive de façon aussi claire (Cass. 3e civ., 10 juin 2021, n°20-10.774 : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 juin 2021, 20-10.774, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)).
L’autonomie et la définition de la faute dolosive revenaient donc sous les projecteurs.
Toujours en 2021, par un arrêt inédit, la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « la faute dolosive, autonome de la faute intentionnelle, justifiant l’exclusion de la garantie de l’assureur dès lors qu’elle fait perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire, suppose un acte délibéré de l’assuré qui ne pouvait ignorer qu’il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre » (Cass. 2ème Civ, 10 novembre 2021, 19-12.659 : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 novembre 2021, 19-12.659, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)).
Cet arrêt, non publié, avait une portée relative et il était légitime de s’interroger sur le devenir de la définition de la faute dolosive, source d’un contentieux volumineux, et de son autonomie par rapport à la faute intentionnelle.
Par son arrêt du 20 janvier 2022 publié au Bulletin, la Deuxième Chambre civile conforte sa position : faute intentionnelle et faute dolosive sont indépendantes et la Cour confirme ainsi la définition donnée il y a des années de la faute dolosive qui suppose :
- un acte délibéré de l’assuré (et non une simple faute/négligence),
- la conscience de l’assuré de causer de manière inéluctable un dommage,
- le caractère inéluctable dudit dommage.
La Troisième Chambre se ralliera-t-elle ?
Si l’on peut se réjouir de la confirmation de la définition de la faute dolosive par la Cour de cassation, elle sera toujours source de beaucoup d’interrogations sur la caractérisation et la preuve de ces trois éléments constitutifs de la faute dolosive.