Article sur Civ. 1ère, 10 juillet 2014, n° de pourvoi 13-15.511
Le débat a longtemps porté sur la question de la nature de la prescription applicable, en matière de crédit immobilier.
La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a dans un premier temps, dans un arrêt de principe du 28 novembre 2012 (n° de pourvoi 11-26.508), précisé que les « crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels », avec pour conséquence, la soumission des contrats de prêts immobiliers à l’article L.137-2 du code de la consommation, et donc à la prescription biennale (et non plus, à la prescription quinquennale).
Cet article, issu de la loi du 17 juin 2008, instaurant une prescription biennale (susceptible de suspension et d’interruption (1), avait pour objectif de protéger le consommateur. Cependant, sa rédaction continuait de susciter une insécurité juridique.
Le point de départ du délai de prescription restait à identifier avec précision.
En effet, en présence d’une prescription, le point de départ du délai suscite toujours de nombreux débats, et diverses interprétations.
La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt de principe du 10 juillet 2014 (n° de pourvoi 13-15.511), a fourni une réponse limpide, ne laissant que peu de place à l’interprétation.
La Cour a d’ailleurs souhaité que cet arrêt bénéficie d’une publicité certaine, puisque pris en formation de section, il a été publié au Bulletin des arrêts des chambres civiles, au Bulletin d’information de la Cour de cassation (BICC) et diffusé sur le site internet de la Cour de cassation.
En l’espèce, un consommateur s’était montré défaillant dans le remboursement d’un prêt immobilier. Au terme d’une procédure de recouvrement infructueuse (comprenant mise en demeure et commandement de payer(2), la cour d’appel de Nancy (4 février 2013, n°12/02533) avait déclaré recevable l’action de la banque, retenant que le point de départ du délai de prescription biennale devait être « fixé à la déchéance du terme du prêt immobilier ».
La Cour de cassation n’a pas abondé dans le sens des juges d’appel et a tranché la question, en affirmant que « le point de départ du délai de prescription biennale prévu par l’article L. 137-2 du code de la consommation se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée, soit, dans le cas d’une action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé ».
Le délai de prescription débutera donc, dans le cadre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, dès le premier incident de paiement non régularisé, et non pas, à la date de déchéance du terme du prêt immobilier.
Quelles conséquences pour les consommateurs ?
De prime abord, nous pouvons penser que les emprunteurs défaillants pourraient se réjouir. En effet, les créanciers devront être plus diligents pour recouvrer leurs créances, sans quoi, ils en perdront le bénéfice.
Cependant, il est évident que les créanciers professionnels ne manqueront pas de modifier leurs méthodes de recouvrement, afin de respecter le délai de prescription.
Par conséquent, les débiteurs en difficulté peineront à obtenir des délais de paiement, les créanciers agissant au plus vite, afin de disposer d’un acte interruptif de prescription.
Ainsi, le consommateur bénéficie d’une plus grande protection, mais disposera (à n’en pas douter) de moins de quiétude, lorsqu’il sera confronté à des difficultés financières, l’empêchant d’honorer immédiatement sa dette.
Le point de départ de la prescription dans le cadre de crédits mobiliers et immobiliers consentis par un professionnel à un consommateur est donc fixé de manière homogène.
Reste aujourd’hui à la Cour à se prononcer sur le point de départ du délai de prescription dans le cadre de crédits immobiliers entre professionnels et dans celui de prêts consentis entre particuliers.
(1) En application notamment de l’article 2241 du code civil, « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».
(2)Les commandements de payer adressés au débiteur, n’avaient pas interrompu la prescription, puisqu’ils avaient été annulés durant la procédure.