Inédit : responsabilité et « imputabilité » par le biais de la garde des animaux

Cour d’appel de Caen – 1ère chambre civile, 15 septembre 2015 – RG 14/00470

Voici un arrêt inédit qui nous vient de Normandie qui fera sourire certains tout en reposant les bases de la distinction entre les notions de responsabilité et d’ « imputabilité » par le biais de la garde des animaux.

Généralement, en termes de responsabilité, la question qui se pose est celle de savoir qui avait la garde de l’animal qui a causé le dommage afin de déterminer le responsable de l’accident survenu.

En l’espèce, la situation est toute autre puisque l’on n’aborde pas même la question de la garde mais on se place en amont : qui a causé le dommage ?

Le propriétaire d’un chien a laissé son animal dans sa voiture garée dans la cour de deux époux avec lesquels il était venu discuter. Ces deux personnes étaient propriétaires d’équidés.

Les équidés évoluaient librement dans la cour des époux.

Alors que les propriétaires des animaux étaient en train de discuter dans un bureau, ils ont été alertés par un grand bruit et ont constaté que le chien était sorti de la voiture et que le poulain des époux gisait sur le sol après avoir percuté un mur.

Face au refus de l’assureur du propriétaire du chien de prendre en charge le sinistre alors même que ce propriétaire reconnaissant que son chien (dont il avait la garde) était sorti de la voiture et avait pourchassé le poulain, l’affaire a été portée devant les juridictions.

La Cour d’appel reconnait l’importance de la présomption de responsabilité qui découle de l’application de l’article 1385 du code civil(1) mais s’en éloigne pour juger que responsabilité n’est pas « imputabilité » et qu’en l’espèce, la preuve n’est pas rapportée (rapport d’expertise à l’appui) que le chien aurait réellement coursé le poulain qui n’évoluait d’ailleurs pas dans un environnement adapté à l’accueil d’équidés (faute des propriétaires du cheval).

Ce faisant, elle rappelle que la présomption de responsabilité permet de faciliter le travail de la victime lorsque le comportement de l’animal est la cause du préjudice souffert par la victime. En termes de responsabilité, trois éléments doivent être rapportés :

  • la faute de l’auteur du dommage,
  • le préjudice souffert par la victime,
  • le lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Cette présomption n’est plus dès lors que le comportement de l’animal ne peut être considéré comme étant à l’origine du préjudice subi.

Or, la jurisprudence « classique » en la matière admet une responsabilité de plein droit, objective, engagée en l’absence de toute faute du gardien de l’animal. La faute est d’ailleurs généralement définie comme « un fait illicite imputable à son auteur ».

Cependant, la question de l’imputabilité est très souvent remise en cause, sa notion étant subjective, incluant une coloration morale exclue du droit positif. L’auteur devait avoir la volonté et la liberté d’agir comme il l’a fait. Selon certains pourtant, l’imputabilité peut demeurer une condition de la responsabilité.

Par abus de langage la cour d’appel de Caen confond, en réalité, l’imputabilité et la causalité et c’est en cela que cet arrêt est critiquable et pourrait encourir la censure de la Cour de cassation.

La question n’est pas de savoir si la faute présumée est imputable ou non au propriétaire du chien mais bien de déterminer si le comportement du chien est la cause du décès du poulain.

Pour qu’il y ait responsabilité de plein droit, sans prouver la faute, encore faut-il que l’animal dont le propriétaire avait la garde ait causé le dommage sans qu’aucune faute ne puisse être reprochée à la victime. Et c’est là le sens de cet arrêt.

Propriétaires d’animaux, tenez-vous bien, veillez à leur sécurité en les plaçant dans des endroits sécurisés et assurez-vous.

(1) « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ».