Projecteur sur la saga « AXA » et la question des pertes d’exploitation pour les restaurateurs dues à la crise Covid-19

Par quatre arrêts rendus le 1er décembre 2022 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 1 décembre 2022, 21-15.392, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr) ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 1 décembre 2022, 21-19.341, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr) ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 1 décembre 2022, 21-19.342, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr) ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 1 décembre 2022, 21-19.343, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)), la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de l’assureur. Un cinquième arrêt, rendu le 19 janvier 2023 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 janvier 2023, 21-21.516 21-23.189, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)), confirme la position de la Cour de cassation.

La Cour de cassation marque un tournant dans le cadre de la bourrasque « Perte d’exploitation » puisqu’elle estime que l’assureur Axa n’avait pas à indemniser les pertes d’exploitation subies par les restaurateurs à la suite de la fermeture administrative de leurs établissements liée à la Covid-19 par la mise en œuvre d’une clause d’exclusion, laquelle a été jugée formelle et limitée en application des dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances (I) et ne vidant pas le contrat de sa substance en application des dispositions de l’article L.113-1 du code des assurances et de l’article 1170 du code civil (II).

Pour rappel, l’article L.113-1 du code des assurances prévoit en son alinéa 1er que « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

L’article 1170 du code civil dispose que « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

 

La clause de garantie invoquée par les assurés stipulait que « La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication ».

La clause d’exclusion visée par l’assureur excluait du champ de la garantie « les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Les assurés se sont notamment positionnés sur l’absence de définition de la notion d’épidémie pour dire le contour de la clause d’exclusion floue et l’absence de limitation entraînée par les termes « autre établissement ».

Que neni répond la Cour de cassation qui replace le débat non sur la définition du mot épidémie mais sur la notion de cause identique et fait ainsi ressortir un tout autre débat qui peut admettre une solution différente de celle adoptée par les juges du fond, favorable aux assurés.

 

I. Une clause formelle et limitée

La Cour de cassation rappelle que la clause d’exclusion, pour être valable, doit être formelle et limitée, c’est-à-dire qu’elle doit se référer à des critères précis et ne pas nécessiter d’interprétation.

En l’espèce, la Cour de cassation a jugé formelle et limitée la clause d’exclusion invoquée par l’assureur puisqu’elle renvoyait non pas à la définition de la notion d’ « épidémie » laquelle n’était pas définie dans la police d’assurance mais au fait que pour être exclu du bénéfice de la garantie, l’assuré devait se trouver, à la date de la fermeture administrative de son établissement, dans une situation identique à celle d’un autre établissement pour une cause identique à l’une de celles énumérées dans la police d’assurance, ce qui ne pouvait être sujet à interprétation.

 

II. Une clause ne vidant pas le contrat de sa substance

La Cour de cassation énonce un principe bien établi dans le droit français, à savoir que la clause d’exclusion, pour être limitée, ne doit pas vider la garantie de sa substance.

En droit commun, une clause ne doit pas vider le contrat de sa substance, c’est-à-dire ne pas priver d’objet le contrat souscrit, sous peine d’être réputée non écrite.

Cela signifie qu’après application de la clause d’exclusion, la garantie doit toujours exister et ne pas être réduite à ce que la Cour de cassation appelle une garantie dérisoire.

En l’espèce, si la cause « épidémie » était exclue des polices, les autres causes visées dans la clause d’exclusion demeuraient si bien que la clause litigieuse devait être dite limitée et donc valable.

L’on pourrait se poser la question de savoir si en statuant de la sorte, la Cour de cassation ne permet pas d’exclure l’ensemble des épidémies qui pourraient exister, ce qui priverait néanmoins la clause de sa substance de ce chef, d’autant qu’aucune définition de l’ « épidémie » n’est donnée par le contrat.

Cependant, la garantie demeurant acquise en l’absence de cause identique à la fermeture administrative d’un autre établissement dans un même département, la clause excluant les épidémies ne vide pas la garantie de sa substance.

En tout état de cause, cet arrêt permet de douter de la position qu’adopteront AXA et les assureurs concernés par une clause semblable dans les négociations à venir avec leurs assurés qui se trouveraient dans une même situation que celle des restaurateurs qui viennent de perdre leur droit à indemnité.

 

A la lumière de ces arrêts, l’on peut conseiller aux assureurs de se montrer vigilants quant aux conseils donnés à leurs candidats à l’assurance lors de la souscription des polices et à ces derniers de faire état de l’ensemble de leurs besoins pour être certains d’être couverts dans le cadre des risques qui les intéressent.

Le cabinet CG Avocats se tient à votre disposition pour vous apporter tout éclairage supplémentaire que vous pourriez souhaiter à ce sujet. N’hésitez pas à le contacter.